L'Aïkido un art de frappes ?!
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Simulation ?! (avec Léo Tamaki) |
Pour
autant, lorsque l'on observe ses démonstrations publiques il semble
que les frappes soient peu présentes et qu'on assiste plutôt à du
« guidage » de partenaires.
Ne
nous méprenons pas : une démonstration ne constitue une
preuve. La pratique personnelle est souvent très différente, comme
en témoignait Mochizuki Hiroo dans une interview : « quand
il frappait c'était soudain et ses atémis coupaient notre
respiration » (Yashima #1).
Les
frappes font partie de la pratique de l'Aïkido. D'une part parce
qu'il faut bien des attaques pour effectuer les techniques, mais
aussi parce qu'une technique sans frappe(s) est très difficile à
réaliser sur un partenaire non consentant ou qui fonctionne
hors-cadre.
Pourtant
cet aspect de la pratique est généralement peu développé. On peut
supposer que c'est parce que les professeurs n'y sont pas formés. Il
suffirait néanmoins de quelques heures dans un dojo de karaté ou
dans un club de boxe pour acquérir des bases que l'on pourrait
ensuite travailler seul. L'obstacle est aisément franchissable.
Je
pense que la véritable raison pour laquelle les atémis sont peu
pratiqués est essentiellement conceptuelle.
Même
si les lignes ont beaucoup bougé depuis les années 70, dans
l'imaginaire collectif l'Aïkido reste l'art martial de la paix. À
ce titre, pour beaucoup de pratiquants, il est impensable de frapper
quelqu'un. Cette manière de penser est tout à fait louable.
Toutefois
il ne faut pas oublier que les techniques de projection visent
originellement à fracturer le crâne et que les clés existent pour
briser les articulations.
Finalement
frapper son partenaire est un moindre mal. Ne vaut-il pas mieux se
prendre un coup plutôt que de se faire casser un poignet ? Cela
fait moins mal et cela dure moins longtemps !
Bien
sûr on peut appliquer des clés et des projections sans danger pour
son partenaire. De même que l'on peut travailler les frappes sans se
blesser en utilisant des cibles pour avoir une sensation d'impact et
en s'arrêtant avant de toucher le corps du partenaire lorsque l'on
travaille à deux.
Il
est donc dommage de ne pas cultiver cet aspect de la pratique qui
demanderait une mise en place relativement facile et qui, en outre,
redonnerait confiance aux pratiquants quant à la validité combative
de notre discipline.
Mais
mon propos va plus loin. Pour moi, l'Aïkido est un art de frappe qui
répond à la question : « et si mon adversaire a esquivé,
que dois-je faire ? ». Un boxeur va enchaîner, décaler,
recadrer, etc. Un Aïkidoka pourra saisir un bras et appliquer ikkyo.
Ainsi
la première intention face à une attaque quelconque est de répondre
par une frappe la plus dévastatrice possible. Si le partenaire
réussit à esquiver libre à nous de continuer notre action en
appliquant une technique d'Aïkido. Ce simple changement de paradigme
simplifie énormément de choses.
Stratégiquement
d'une part, parce qu'être dans l'idée de frapper nous place en
position pro-active. Nous n'avons alors plus besoin d'attendre que
Uke attaque pour lui appliquer une technique. Nous avons simplement à
chercher où le frapper.
Mais
cela nous simplifie aussi la tâche techniquement. En effet, de
nombreux mouvements nécessitent un apprentissage complexe en terme
de mobilité. Lorsqu'ils sont présentés comme des opportunités de
frappe cet apprentissage est beaucoup plus rapide.
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Lorsque deux frappes s'opposent on peut utiliser la situation |
Bouger
un poignet lorsqu'il est saisit pour appliquer une technique est très
compliqué. On a tendance à forcer pour agir contre la contrainte. A
contrario, lorsque l'on pense « frappe » la nature du
mouvement change : nous n'agissons plus contre une saisie, mais
vers une cible.
Je
ne sais pas comment pensaient et s’entraînaient les samouraïs.
Mais il me semble peu vraisemblable qu'ils passaient des années à
apprendre à se dégager d'une saisie. Il fallait que les techniques
puissent fonctionner rapidement, même s'il est certains qu'elles
devaient être continuellement améliorées.
Souvent
nous nous arc-boutons pour essayer de faire fonctionner un mouvement
d'une certaine manière. Et telle une mouche contre une vitre nous
essayons d'obtenir des résultats différents en conservant la même
conception des choses. Il suffit parfois de simplement revoir notre
copie, modifier quelques paramètres, repenser le contexte et nous
nous libérons d'une prison que nous avions nous même créé.
Cet article est initialement paru dans Aïkido Journal n°73