Tu pratiques pour toi !
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Magritte : qui est dehors ? |
"Tu
pratiques pour toi !"
Voilà
une sentence qui flotte sur les tatamis et qui résonne comme une
évidence. Au point où l'on peut se demander s'il y a vraiment
matière à réflexion et plutôt songer : « bien sûr que je
pratique pour moi ! Pour qui d'autre ? »
Mais
cela n'est peut-être pas si évident qu'il y paraît...
Débuter
pour devenir libre
Lorsque
l'on prend la décision de pousser la porte d'un dojo, on est
généralement mû par un désir très personnel. Il s'agit
d'apprendre à se battre, de devenir fort, de se construire,
d'atteindre un idéal, etc.
Les arts martiaux japonais offrent un cadre relativement strict afin d'aider l'adepte dans son développement. Comme tout cadre, celui-ci finit par poser des problèmes en tentant d'en résoudre...
En
grossissant le trait, on peut dire que vous débutez la pratique pour
devenir plus libre en vous-même et que vous vous retrouvez dans un
système limite carcéral, où le moindre vos mouvements est dicté.
Vous
débutez pour construire quelque chose à l'intérieur et vous vous
retrouvez à vous occuper de votre extérieur ; en respectant
une forme, en passant des grades, etc.
Contraindre
par l'extérieur pour forger l'intérieur
On
peut toutefois supposer que la contrainte extérieure sert simplement
à aider la transformation intérieure. Il me semble d'ailleurs que
c'est ainsi que l'on présente les choses la plupart du temps dans
les arts martiaux.
Ce
passage, de l'extérieur à l'intérieur, ne s'effectue pas toujours
et lorsqu'il se produit il pourrait – souvent – être plus
complet.
Cela
peut être dû au manque d'investissement du pratiquant, ou encore à
la mécompréhension des contraintes / consignes. Mais il me semble
que cela est majoritairement dû à la mise en place de contraintes
inopérantes.
Il
est vain de s'entraîner à éviter une attaque non dangereuse et
penser que cela développera un potentiel intérieur.
Pour
que l'intérieur bouge et évolue, il faut que la contrainte
extérieure le touche.
Trop
souvent cela ne se produit pas. La pratique est vidée de sa
substance et les esquives ne sont plus que des réflexes pavloviens.
Séparer
le bon grain de l'ivraie
Là
où le bas blesse, c'est que ces contraintes inopérantes, comme
elles sont injustifiables par essence, deviennent des vérités
indéboulonnables que l'on s'acharne à défendre : des dogmes.
Il
ne devrait pas y avoir de dogme dans les arts martiaux. Tout devrait
pouvoir être testé et éprouvé.
L'adepte
doit donc être capable de différencier les contraintes « utiles »,
celles qui le font progresser, des contraintes « dogmatiques »
sclérosantes.
C'est là où il est urgent de pratiquer pour soi. C'est-à-dire devenir capable d'évaluer, ce qui de l'extérieur, touche notre intérieur et nous fait grandir. C'est difficile parce que cela nous met face à nos limites, parce que cela demande des efforts, parce que cela nous rend responsable, mais c'est ainsi que l'on peut devenir libre...
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Libre... |